« Ce que le Jour doit à la Nuit » – Yasmina Khadra.

Article rapatrié, initialement publié le 26 Mars 2011.

Titre : Ce que le Jour doit à la Nuit. Auteur : Yasmina Khadra. Edition : Pocket. Parution : Novembre 2009 – 438 pages  –  7.40€ – ISBN : 978-2-266-19241-5

L’Auteur :

Yasmina Khadra est le pseudonyme de l’écrivain algérien Mohammed Moulessehoul. Né le 10 Janvier 1955 à Kenadsa, son père le destine à une carrière militaire dès son plus jeune âge et l’inscrit donc dans une école militaire dès ses 9 ans. Après ses études, il servira dans l’armée algérienne pendant 36 ans.

Mohammed Moulessehoul choisit en 1997, avec le roman Morituri, d’écrire sous pseudonyme. Diverses raisons l’y poussent, mais la première que donne l’auteur est la clandestinité. Elle lui permet de prendre ses distances par rapport à sa vie militaire et de mieux approcher son thème cher : l’intolérance.

Il choisit de rendre hommage aux femmes algériennes et à son épouse en particulier, en prenant ses deux prénoms, Yasmina Khadra, et ne révèle son identité masculine qu’en 2001 avec la parution de son roman autobiographique L’Écrivain et son identité tout entière dans L’imposture des mots en 2002. Or à cette époque ses romans ont déjà touché un grand nombre de lecteurs et de critiques. Ses romans sont traduits dans plus de 40 pays.

Ce que le jour doit à la nuit, paru en 2008, a reçu de nombreuses récompenses : Prix Roman France Télévision (2008), Meilleur Livre de l’Année par le magazine Lire (2008), Prix des Lecteurs Corses (2009), Prix Les Dérochères (Canada, 2010), Finaliste Prix de la Littérature Internationale (Berlin, 2010), Prix Campus de Cristal (Haute Ecole – Province de Liège – Belgique).

A noter, Yasmina Khadra a été fait Chevalier de la Légion d’Honneur et Officier de l’Ordre des Arts et Lettres [Source : Wikipédia]

L’Histoire  –  4ème de Couverture :

Algérie, dans les années 1930. Les champs de blés frissonnent. Dans trois jours, les moissons, le salut. Mais une triste nuit vient consumer l’espoir. Le feu. Les cendres. Pour la première fois, le jeune Younes voit pleurer son père.

Et de pleurs, la vie de Younes ne manquera pas. Confié à un oncle pharmacien, dans un village de l’Oranais, le jeune garçon s’intègre à la communauté pied-noire. Noue des amitiés indissolubles, françaises, juives : «les doigts de la fourche», comme on les appelle. Et le bonheur s’appelle Emilie, une «princesse» que les jeunes gens se disputent. Alors que l’Algérie coloniale vit ses derniers feux, dans un déchaînement de violences, de déchirures et de trahisons, les amitiés se disloquent, s’entrechoquent. Femme ou pays, l’homme ne peut jamais oublier un amour d’enfance…

Mon Avis  –  Mes Impressions :

Je referme ce livre en tout début d’après-midi et il me faut quelques instant pour digérer toute la teneur de ce roman .. Au-delà d’un récit poignant sur une époque trouble dont on ne parlait pas autrefois, cette histoire est d’une beauté époustouflante! Yasmina Khadra a le don de faire jaillir les images sous ses mots. Aux côtés de Younes, je me suis promenée dans les rue d’Oran. Et, que ce soit pour nous parler des misérables taudis qui jalonnent les quartiers pauvres, ou pour nous vanter la clarté et la beauté des maisons de riches, on ne peut qu’être touchée par la poésie qu’y insuffle l’auteur.

Dans cette histoire, on va suivre Younes de son plus jeune âge jusqu’à la vieillesse.

Lorsque son père perd sa récolte et ses terre, toute la famille se réfugie Oran. Là, démuni et sans attache, ou presque, le père va s’échiner à remonter la pente. Mais le destin s’acharne!… Bientôt, la seule solution reste de confier Younes à son oncle pharmacien. Déchiré mais convaincu que c’est l’unique solution pour faire de son fils un homme riche et instruit, le père laisse l’enfant dans ce beau quartier, dans cette maison immense et claire. Dans cette autre vie où Younes devient Jonas!

On va alors suivre Jonas qui s’adapte plutôt bien à son nouvel environnement auprès de son oncle et de sa tante qui l’adorent… La famille finit par quitter Oran pour un grand village à quelques kilomètres : Río Salado.

Là, règne l’immensité des vignes plantées à la sueur d’une poignée de pied-noirs dont la communauté prospère au rythme des saisons, des récoltes, des fêtes, de la musique et des baignades au bord de mer.

Jonas, désormais fils de pharmacien, donc de notable, s’intègre doucement et noue des amitiés magnifiques avec Jean-Christophe, Fabrice et Simon… Tous les quatre vont vivre des jours heureux baignés de soleil, de vin et de rires… Jusqu’à l’arrivée d’Emilie…

Qu’en sera-t-il de cette belle amitié née dans l’enfance? Résistera-t-elle aux élans du coeur? Saura-t-elle se préserver de la fureur des combats entre le peuple qui se soulève et ses hommes qui se croient ancrés sur ces terres par le biais de leurs ancêtres venus la conquérir et la dompter?…

Tout au long de ce roman, Jonas répugne à saisir sa chance… Préférant préserver la belle amitié plutôt que l’amour de la femme de sa vie, il va s’enferrer dans des questionnements qui vont le ronger…

De folles amitiés d’enfance brisées sur de sombres malentendus, sur des non-dits aussi forts que des cris… Arabe par le coeur et par la terre, éduqué comme un blanc, intégré sans l’être totalement, plus il grandit et plus Jonas est confronté à sa différence au milieu de tous ceux qu’il côtoie, redevant Younes dans les yeux de certains…

J’ai adoré suivre l’histoire de cet enfant!… Le voir devenir homme en même temps que l’Histoire rattrape sa vie. Il est beau, mais fragile. Fier et fidèle jusqu’à la bêtise parfois… J’ai tellement souvent eu envie d’être la voix qui lui souffle : « mais dis lui bon sang de bois!!! »… J’aurai tellement voulu le secouer parfois, lui faire comprendre que son silence ne faisait que l’éloigner de son bonheur, l’isoler de tous ceux qu’il aime ; ses amis comme cette femme…

Dans cette histoire, tous les personnages que nous croque Yasmina Khadra sont attachants! Que ce soit Germaine et son empressement maternel, Isabelle et ses caprices, Emilie et son insistance amoureuse, Simon et sa bonhomie, Fabrice et sa culture, Jean-Christophe et son impulsivité, José et Dédé dans leur étalage de richesses… Tous ont du corps dans leur caractère et dans leurs agissements… Tous sont là pour Younes à la fin…

J’ai adoré me promener dans ces magnifiques paysages que l’auteur nous conte si bien… J’avais chaud dans ses déserts jusqu’à ce qu’il me mène sur la plage où, tout comme Jean-Christophe et Emilie, je sentais l’eau salée m’éclabousser…

Premières Phrases  –  Extraits Choisis :

Mon père était heureux.

Je ne l’en croyais pas capable.

Par moments, sa mine délivrée de ses angoisses me troublait. p.11.

**********

Oran était une ville magnifique. Elle avait un ton singulier qui ajoutait à sa jovialité méditerranéenne un charme immarcescible. Tout ce qu’elle entreprenait lui allait comme un gant. Elle savait vivre et ne le cachât pas. Le soir, c’était magique. Après la canicule, l’air se rafraîchissait et les gens sortaient leurs chaises sur le trottoir et passaient de longues heures à bavarder autour d’un verre d’anisette. de notre véranda, nous pouvions les voir griller des cigarettes et entendre ce qu’ils se racontaient. p.97.

**********

Il n’y a ni honte ni crime en amour, sauf quand on le sacrifie, y compris pour les bonnes causes. p. 276.

**********

– Quand la femme n’est pas l’ambition suprême de l’homme, quand elle n’est pas la fin de toute initiative en ce monde, la vie ne mériterait ni ses joies, ni ses peines. p. 284.

Et il y en aurait bien d’autres à noter, tellement Yasmina Khadra laisse transparaître son amour des mots dans ce roman!… Tellement son écriture est belle, sensible… Tellement les mots prennent une saveur goûtue sous sa plume… Une saveur que l’on déguste en relisant avec bonheur certains passages, certaines tirades… Et, que ce soient dans les descriptions des villes, des ambiances ou des caractères de ses personnages, l’auteur garde une maîtrise de l’harmonie des mots, composant une musique des sentiments justement fouillée, jamais rébarbative, dans une continuité toujours constructive.

Ma Note?  8.9/10 : Une histoire magnifique, mêlant les affres d’une vie à la douloureuse délivrance d’un pays. Des mots justes, une écriture fine et poétique. Un roman qui m’a embarqué de l’autre côté de la Méditerranée avec bonheur et délicatesse.

Même s’il peuplait ma P.A.L depuis quelques mois, c’est grâce à l’initiative de Pimprenelle que j’ai eu l’envie de l’en sortir… Merci à elle pour ce joli bonheur!…

 

Cet article, publié dans Romans, est tagué , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

4 commentaires pour « Ce que le Jour doit à la Nuit » – Yasmina Khadra.

  1. jonalysprecious dit :

    Je n’ai pas lu le livre mais vu le film d’arcady inspiré de ce roman et je l’ai adoré ! Très beau, très prenant que cette histoire d’amour…

    • evilys2angel dit :

      J’attends justement qu’une de mes amies ait terminé le roman pour que nous allions ensuite voir le film ensemble. J’ai lu certains avis qui disent que le réalisateur est resté assez fidèle au livre. Mais de toute façon, j’adore ce que fait Alexandre Arcady : aucun de ses films ne m’a jamais déçu! 😉

  2. Kyradieuse dit :

    Etant donné qu’un film est sorti, ça va sûrement me pousser à lire le livre.. Très bel avis en tout cas.

Laisser un commentaire